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25/10/2012

UN JOUR SANS

 

Moi qui n’aime pas particulièrement la littérature d’apitoiement, celle où l’auteur se répand avec souvent quelque délectation, s’épuisant dans des souvenirs récurrents, voilà qu’aujourd’hui j’ai le besoin d’écrire que je ne trouve rien à écrire, j’essaie par tous les moyens connus ou inconnus, tous les trucs qui pourraient provoquer le déclic, et pourtant maintenant il fait un temps à passer sa vie dehors alors que je reste comme un con devant le clavier de l’ordi qui joue sunday closed, les enfants me font des signes depuis la cour de l’école vue de ma fenêtre et j’ai envie de leur répondre merde, ma petite-fille me susurre un tendre bonjour Papou lointain dans le téléphone, la colombe que j’ai baptisée Iris vient de toquer sur la vitre et m’invite à m’échapper avec elle, quoi ? que je saute dans le vide ? même pas peur et pourtant j’ai la trouille, noire, Bill Evans me répète sur la platine Never let me go et cela ne me touche pas comme d’habitude, bon voilà que j’ai un renvoi acide ça ne va pas arranger les choses, se retourner vers la bouteille de bourbon, je sais trop ce que cela donne, le téléphone peut sonner pour entendre une voix mielleuse me parvenir de Casablanca ou d’ailleurs pour me proposer ce dont je n’ai pas besoin ou envie en me retenant de lui dire aimablement d’aller se faire foutre je ne décroche pas, je regarde les rayons pleins de livres aimés, les autres je les ai balancés sans regret, aucun signe ne vient ni de William, de Scott, de Carson ni même de Julio, gone with the wind, sans aucun souffle d’air, les feuilles dorées des arbres ne tombent pas encore j’ai l’impression qu’elles remontent sur leurs branches, revoilà Iris qui cette fois se fâche, je ne veux plus la voir, rideau, quand une idée se précise c’est pour me rappeler que je l’ai déjà eu avec ou sans résultat, faudrait que je me coup les ongles des mains trop durs mais c’est une corvée alors tant pis, les photos des êtres adorés semblent me faire la grimace à laquelle je réponds en leur tirant la langue, foutez-moi la paix, aujourd’hui c’est un jour sans comme hier et comme demain, j’éclate de rire en me souvenant d’un tour de chenille dans une fête foraine avec l’amour de ma vie, j’appréhende déjà de lire les éventuels commentaires apitoyés qui ne manqueront pas de venir, moi aussi Jacques j’ai connu cela, tenez bon, sortez, allez au cinéma, respirez un bon coup, attendez le déclic pas des claques, souriez aux filles, tenez pensez à Fernande la boulangère à qui vous mourrez d’envie de lui chanter la chanson de Brassens, je me souviens maintenant du dernier film que j’ai vu et qui m’a ému aux larmes, Like someone in love de l’Iranien Abbas Kiarosmati et qui se passe au Japon, j’étais le seul à être resté jusqu’à la fin avec la chanson murmurée pas Ella Fitzgerald, j’ai des fourmillements dans la jambe gauche, il va falloir que je me lève de cette putain de chaise qui me fait mal au cul, c’est peut-être pour cela que rien ne vient, pas encore, voilà je suis debout, tiens ! je crois que je vais aller me mettre deux gouttes d’eau de toilette Eau sauvage de chez Dior, ça devrait me faire de l’effet, oui mais lequel ?, il faut que j’arrose mon figus benjamina qui me semble avoir soif, il ne va pas se mettre à m’engueuler, tout de même ; manquerait plus que ça.

© Jacques Chesnel (24/10/2012, 16 :04)

Commentaires

Votre texte m'émeut, Jacques, comme il touchera tous les frères humains. J'aimerais vous citer un extrait de l'"l`introduction à la vie dévote* de Saint François de Sales.
Non, je ne suis pas dévote, mais les écrits de saint François que j'ai découverts en travaillant sur la biographie de Louis Favre m'ont beaucoup touchée.
Je cite: "La mauvaise tristesse trouble l'âme, la met en inquiétude, donne des craintes déréglées, dégoûte de l'oraison, assoupit et accable le cerveau, prive l'âme de conseil, de résolution, de jugement, de courage, et abat les forces: bref, elle est comme un dur hiver qui fauche toute la beauté de la terre et de l'âme et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultés".
Je vous embrasse.

Écrit par : Nicole Giroud | 26/10/2012

merci de votre petit mot... je ne suis pas bipolaire, j'ai depuis longtemps des accès ou coups de blues passagers... j'ai seulement eu, pour la deuxième fois par écrit, le besoin de le dire... en tant qu'athée (dieu merci) la lecture des croyants m'apporte autant que celle des mécréants (dont je fais partie), je prends tout et partout avec comme devise "ça ira mieux demain" et c'est déjà le cas aujourd'hui
bon ouik à vous
je vous embrasse aussi
Jacques

Écrit par : Jacques Chesnel | 26/10/2012

Le déclic ? Apparemment, nous en sommes au même point, cher Jacques. C'est d'ailleurs curieux que vous ayez conduit mes pas vers cet article, ce matin. La nuit dernière, je crois bien que je l'ai eu, ce fameux déclic, qui empêchera peut-être de tourner en rond, à la recherche du temps présent. Ecrire est un acte d'amour, a écrit Cocteau, et je le crois volontiers. Seulement, avant tout cela, il faut passer par des cases, de bienséance ?, non, certes pas. Je parlerai de cette pudeur paradoxale à s'afficher, en déviant la lumière ailleurs que sur soi. Parce que c'est dans l'ombre de toutes les impasses que se trament les embellies. Peu importe le temps que ça prend, si nous prenons le temps de l'écrire. J'ai adoré cette chronique, parce qu'indéniablement, je m'y retrouve un peu. Semons, égrenons nos cailloux, la jeunesse éternelle est dans l'émerveillement.
Bien à vous,
Patricia

Écrit par : Patricia Bouteiller | 28/11/2012

Le déclic ? Apparemment, nous en sommes au même point, cher Jacques. C'est d'ailleurs curieux que vous ayez conduit mes pas vers cet article, ce matin. La nuit dernière, je crois bien que je l'ai eu, ce fameux déclic, qui empêchera peut-être de tourner en rond, à la recherche du temps présent. Ecrire est un acte d'amour, a écrit Cocteau, et je le crois volontiers. Seulement, avant tout cela, il faut passer par des cases, de bienséance ?, non, certes pas. Je parlerai de cette pudeur paradoxale à s'afficher, en déviant la lumière ailleurs que sur soi. Parce que c'est dans l'ombre de toutes les impasses que se trament les embellies. Peu importe le temps que ça prend, si nous prenons le temps de l'écrire. J'ai adoré cette chronique, parce qu'indéniablement, je m'y retrouve un peu. Semons, égrenons nos cailloux, la jeunesse éternelle est dans l'émerveillement.
Bien à vous,
Patricia

Écrit par : Patricia Bouteiller | 28/11/2012

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