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19/04/2012

JESSICA

 

Le jour de ses dix-huit, elle se déclara prête à ne plus se prénommer ainsi mais plutôt  Marie, Marie comme tout le monde, Marie tout court. Elle avait un peu hésité car elle trouvait que certains prénoms semblaient tellement refléter la personnalité de celles qui le portaient comme Claire, Prudence, Constance et le plus beau Clémence que c’était la solution mais déçue par quelques-unes d’entre elles, elle se résigna pour Marie, Marie tout court.

Marie-Jessica aimait se poser des questions rien que pour être sûre d’être vraiment vivante, celle-ci revenant sans cesse : pourquoi Jessica ? était-ce l’admiration paternelle pour cette actrice qui incarnait la fille de Shylock dans Le marchand de Venise à la Comédie Française ?, son enthousiasme pour la vedette américaine dont il raffolait, Jessica Lange dans la version du Facteur sonne toujours deux fois par Bob Rafelson avec Jack Nicholson, la fameuse séance de baise sur la table de la cuisine ?… le prénom d’un amour de jeunesse, d’une ancienne ou récente maîtresse ?…

Elle alla à l’état-civil où on lui dit avec des mines interloquées que changer était impossible que gnagnagna, qu’elle pouvait se faire appeler comme bon lui chantait ce à quoi elle répondit que c’était impossible gnagnagna parce qu’elle chantait faux et que je vous emmerde, elle demanda à Julien son dernier petit copain comment souhaitait-il l’appeler, Sandra c’est chouette, lui dit-il avant tiens le coup de pied dans les couilles de ma part, de Marie, Ma Ri Heu tu m’entends.

Avec une bande de Marie tout court, la martiale brigade mariale en goguette, elle se mit à fréquenter les bars de rencontres mixtes mais à l’annonce des prénoms les Marie n’avaient plus la cote ou bien alors ma cocotte seulement debout dans les toilettes vite fait ça t’as plus on recommence salut à la prochaine quand un certain soir un mec beau comme Jean Gabin dans Gueule d’amour lui fit tourner la tête et le reste pour de bon ça valait enfin la peine de se prénommer Marie, Marie tout court. L’embellie de la liaison torride continuait dare-dare et surtout dard-dard quand un soir, Jean Gabin lui dit viens chez moi il faut que je te présente ma femme, chérie voici la Marie dont je t’ai si souvent parlé, bonsoir Marie, enchantée répondit la belle brune, comment allez-vous, moi, c’est Jessica.

 

©  Jacques Chesnel

 

23:45 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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