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08/04/2011

MICMAC AU SALOON



Lorsque les deux state-cowboys, Viktor Boyau et Jude Olive, pénétrèrent dans le Sorryboard saloon de Sioux City ce soir-là, un silence immédiat et total dura exactement sept secondes, comptez avec moi …………….puis le brou-ha-ha-ha reprit de plus belle ; les deux lascars avaient obtenus ce qu’ils voulaient : faire une entrée remarquée sans les habituelles bagarres qui s’ensuivent généralement en ce lieu. Irma-la-Mousse, la barmaid sino-américaine et boiteuse, leur demanda sèchement  bous bière ?, ils répondirent non nous scotch et nous bien tassés. Leur aspect volumineux, du type rembourré, ne se remarquait pas trop et pourtant les vêtements des deux gaillards craquaient de partout à cause des billets de la banque écossaise Lechmann Brothers qu’ils venaient de dévaliser il y avait deux heures dans la petite ville voisine. La nouvelle n’était pas encore parvenue jusqu’ici en ce jour de fête de la Saint-Pancrace, à cette heure tardive. Irma-la-Mousse déposa les verres sur le comptoir et dit bous payer tout de suite deux dollars, s’il bous plaît… et une pluie de billets s’échappa des poches d’Olive puis de celles de Viktor devant les yeux écarquillés de l’assistance ; on n’avait jamais vu autant d’argent d’un seul coup, le brou-ha-ha et ha-ha cessa hormis quelques déglutis slurp ou hoquets gloup difficilement réprimés.
Les plus intéressées d’un seul coup furent les dames de bonne compagnie putassières qui s’agglutinèrent autour de nos héros d’un soir en caquetant à qui mieux mieux avec effets d’œillades, de tortillements du croupion et les seins copieusement en avant… on se serait cru dans un ouest-pas-trop-terne genre John Ford avec des gars comme John Wayne et le génial Victor McLagen… sauf qu’il n’y avait pas encore de caméras de tournage ni de surveillance.
C’est le moment que choisit Les McCann (même patronyme que le pianiste de jazz soul) pour entrer discrètement dans l’établissement à sa manière de père placide, le shérif surnommé « Laisse-ma-canne-tranquille » par la population, on n’y vit que du feu sauf les deux compères qui avaient des yeux tout partout. Il venait comme tous les jours à la même heure pour l’attraction, le numéro pour lui époustouflant de Hosnia Moutaraka et son numéro de danse du ventre venu tout droit de son Egypte soit-disant natale ce qui restait à prouver, mais dont il était secrètement et fiévreusement   amoureux.  Quand ils virent la fameuse étoile dorée sur le gilet du bonhomme, la sueur commença à se propager partout sur leurs corps, accompagnée d’un léger tremblement qu’ils essayaient en vain de contrôler, de dissimuler ; le shérif passa à côté sans sourciller, regardant les dames et surtout Hosnia comme d’habitude avec une certaine avidité. Viktor et Olive ayant réglés leurs consommations, ne trouvèrent qu’une seule solution : dégager vite fait bien fait tandis que le shérif au milieu de la basse-cour en ébullition les dévisagea subitement avec curiosité, intensité puis insistance en s’approchant d’eux pas trop fiers d’un coup.
 -  Euh, dites-moi, les gars, d’où qu’c’est-y qu’vous v’nez, j’ai comme  qui dirait l’impression qu’on s’connaît, non ? qu’on s’est d’jà vu quèque part, non ?, ou alors que vos bobines me font penser à quéqun que j’ai bien connu, non ?
Les deux gars sont pétrifiés et sentent quelque chose de chaud dégouliner sur leurs mollets, leurs vessies en perte de contrôle, ils n’en mènent pas large en serrant leurs fesses sans plus de résultat. S’adressant d’abord à Viktor yeux dans les yeux, Less lui demanda si à Hinton il connaissait une certaine Marjorie, oui c’est ma Moman lui répondit l’interrogé, à Olive si à Waterburg il avait des relations avec une certaine Meryl, euh voui fit le gars, ben c’est ma mère… et Less tomba subitement à genoux en hurlant devant l’assistance médusée : mes petits, mes chers petits retrouvés, mes garçons à moi… tous pleurant à chaudes et abondantes larmes.

Voilà le conte de fées que racontait vers la fin de sa vie, Abigail, l’une des danseuses du Sorryboard saloon qui avait assisté à cette réunion inattendue, inespérée entre le shérif et les deux enfants qu’il avait eu avec leurs deux mères différentes abandonnées enceintes quand il avait été nommé shérif pendant trente ans dans un autre état lointain et qu’il n’avait jamais revues ou jamais voulu les revoir, aventures sans lendemain de soirs de bringues. Une fois revenu à Sioux City, il avait eu d’autres préoccupations qu’il jugeait bien plus graves. La morale veut qu’avec ses enfants retrouvés, ils se partagèrent le magot, disparurent rapidement de la ville et qu’on n’entendit plus jamais parler d’eux.

C’est la morale de l’histoire, si on peut dire, que contait Abigail à ses deux petits-enfants dont elle disait n’avoir jamais connu leur grand-père… Less, encore lui ?

©  Jacques Chesnel

21:06 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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