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29/04/2008

CHEVAUCHÉE

Oui, j’y étais ; à l’Espace Cardin en 1974 quelques jours après la première de la création de la pièce La Chevauchée sur le Lac de Constance avec accrochez-vous Jeanne Moreau, Delphine Seyrig, Michaël Lonsdale qu’on prononçait Michel, Samy Frey et Gérard Depardieu presque débutant au théâtre… il venait de tourner dans les Valseuses et était qualifié de Marlon Brando français… gros succès de cette pièce de Peter Handke mise en scène par Claude Régy un peu de scandale aussi trop intellectuel abscons lire les critiques de l’époque… j’y étais allé pour Jeanne Moreau dont j’étais amoureux de loin dont je suis toujours amoureux d’aussi loin je la trouvais je la trouve encore fascinante dans les Amants Jules et Jim Ascenseur pour l’échafaud la déambulation de Florence sur les Champs-Elysées et la musique de Miles même que Mina me faisait me fait toujours des crises de jalousie vous voyez le genre qu’est-ce qu’elle a de plus que moi mais rien et tout ma chérie c’est elle Jeanne la grande Moreau et toi c’est toi et je t’aime je sais Jérôme mais Jeanne quand même et ce texte cette chevauchée dont on ne parlait pas entre nous je me souviens qu’à l’époque j’avais été cloué sur mon fauteuil la voix et la diction de Seyrig la présence émouvante de Jeanne celle impressionnante de Depardieu son maquillage les maquillages les costumes d’Yves Saint-Laurent le décor plutôt son absence y avait-il un décor je ne cherchais surtout pas à comprendre seulement à me laisser emporter par le verbe les gestes poses et attitudes la noblesse de Samy Frey les acteurs jouant des acteurs et maintenant j’ai un doute un sérieux doute je me demande s’il n’y avait pas Bulle Ogier dans la distribution la petite et grande Bulle je me demande encore qui pourra me le dire qui ? c’est loin et c’est près à la fois c’est vague et précis tout autant j’avais lu le texte de présentation l’auteur s’était inspiré d’un poème du XVIIième siècle un chevalier sur le lac de Constance sa traversée du lac je voulais chercher le rapport avec cette mort qui erre l’atmosphère inquiétante de cette pièce énigmatique des spectateurs qui partent cette fin qu’a-t-il pu se passer ?...

… oui, j’y étais à ce concert de Bill Evans à Paris à l’Espace Cardin en 1979 là où cinq ans plutôt j’avais assisté intrigué médusé empoigné ligoté par ce spectacle j’y pensais fort sur ce même plateau où Bill après le concert et après un court instant de repos dans le brouhaha des loges s’était éclipsé pour rejoindre le piano qu’il trouvait si bien pour jouer seul pas longtemps bientôt entouré d’une dizaine d’admirateurs triés sur le volet par Francis dont il était l’hôte Bill était penché sur le clavier comme à son habitude et Jeanne était là avec nous avec moi sur le plateau dans son costume de scène et Michaël qu’on prononçait Michel et Delphine et Samy et Gérard et peut-être Bulle aussi je sentais fort leur présence à mes côtés Bill enchaînait Waltz for Debby I do it for your Love Laurie et je ne me rappelle plus très bien quels autres thèmes et cela durait depuis longtemps quand un machiniste entre deux brefs silences bon la récré est terminée on ferme messieurs dames et il coupe la faible lumière du plateau et Bill continue dans le noir ohé dites j’ai pas envie de louper mon dernier métro et Jeanne me prend la main et Francis va trouver le gars attendez attendez on va vous donner de quoi prendre un taxi tenez voilà cent balles alors là vous pouvez continuer autant que vous voulez et Bill persiste encore longtemps et puis Jeanne me lâche la main et le Chevalier repart sur le lac de Constance peut-être avec Bulle comment savoir qu’a-t-il pu se passer ? et cette fin…

Ce fut le dernier concert que Bill donna à Paris. L’un de ses plus beaux, le plus prémonitoire de sa fin prochaine ? et cette fin…

©  Jacques Chesnel

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