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21/01/2016

COMMOTION

 

 

 

Il est mort l’un des tous premiers jours de la guerre, dans une embuscade, tué sur le coup. Elle a appris la nouvelle environ deux mois après s’inquiétant de ne pas avoir reçu sa première lettre, qu’il n’a pas eu le temps d’écrire.

Puis quelques mois de chagrin sont passés. Un jour, en faisant du rangement, en grand, elle a trouvé dans le grenier de leur vieille maison une petite cassette cachée contenant un paquet de lettres. Intriguée elle les a ouvertes une à une : c’était des lettres, des lettres d’amour de son mari Raymond à un inconnu d’elle, un certain Alphonse ; il y en avait une quarantaine, la première datant de huit mois avant leur mariage, la dernière trois jours avant son départ sous les drapeaux. Elle manqua s’évanouir en lisant le contenu de la première et devint de plus en plus malade d’incrédulité en lisant les autres : Raymond avait eu une liaison torride avec un homme ; sidérée, hébétée, elle tomba dans l’escalier. Commotion.

Assise dans la cuisine, Léontine reprend peu à peu ses esprits, regarde plus intensément l’écriture et la signature qu’elle reconnait, aucun doute, c’est bien Raymond, son Raymond qui lui avait juré amour et fidélité avec jusque-là preuves à l’appui. Elle trouve également une photo dédicacée, celle d’un homme de type méditerranéen avec une impressionnante moustache. Au fur et à mesure qu’elle lit, elle retrouve des mots, des phrases, des expressions qu’elle avait entendu de sa bouche mais là tout ce discours s’adressait à quelqu’un d’autre, à un homme qu’elle ne connaissait pas, il ne faisait pas partie de la famille proche ou lointaine, pas du petit cercle d’amis, de voisins, elle ne connaissait aucun Alphonse. Léontine n’avait jamais douté de la fidélité de son mari, elle n’avait eu aucun doute malgré des retards expliqués par les horaires bousculés juste avant la déclaration de guerre. Une fois, elle avait été surprise de l’entendre grommeler un mot bizarre (un nom ?) lors d’une étreinte amoureuse plus frénétique que d’habitude.

Où s’étaient-ils rencontrés ? au café après le boulot ? à l’usine où Raymond travaillait. .Elle décida d’en savoir plus sur lui, donc de le rencontrer si possible, il y avait le nom de ce village tout près où il résidait sur l’en-tête de ses lettres.

Arrivée dans la commune, elle demanda l’adresse d’Alphonse Thiers, trouva la maisonnette aux volets clos, une voisine lui dit il n’y a plus personne sa femme est retournée chez parents avec le bébé après la mort accidentelle de son mari à l’usine de ferblanterie quelques jours après la déclaration de guerre : Alphonse était donc mort, lui aussi. Ils avaient travaillé tous les deux dans cette même usine.

Puis le temps a passé, Léontine ne s’est pas remariée, prit quelques amants dont des permissionnaires de passage car la guerre s’éternisait, bientôt quatre ans. Enfin le 11 novembre 1918, l’armistice fut signée. C’est ce jour-là que Léontine se jeta sur les rails à l’arrivée du train en gare du village. Dans son sac, on trouva une photo, celle d’un homme de type méditerranéen avec une grosse moustache : l’amant de son mari.

 

12:06 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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