Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/11/2015

APRÈS LE FILM



FIN

Le mot apparut sur l’écran pendant quelques secondes jusqu’au moment où Jérôme appuya sur le stop de la télécommande du téléviseur. Alors qu’en penses-tu ?, demanda-t-il à Muriel encore sous le choc, ben attends que je reprenne mes esprits pasque là… d’où l’étonnement de Jérôme qui connaissait sa promptitude à réagir vite habituellement. Elle se rétrécit dans son fauteuil, alluma une cigarette qu’elle éteignit aussitôt, éternua (ce qui était mauvais signe) et dit je crois que je vais aller me coucher, bonsoir. Un peu hébété, Jérôme la rejoignit après quelques minutes d’hésitation.
Le lendemain matin
. Muriel : Je n’ai pas dormi de la nuit ou si peu tellement j’étais et suis toujours tourneboulée, cela ne m’arrive pas souvent surtout pour un film mais alors celui-là, comment en suis-je arrivée là, il n’y a rien pourtant, pas ou peu d’histoire, les acteurs sont heu énervants surtout lui toujours le même, ce n’est pas du Godard dieu merci, ni du Bergman qui lui m’emballe toujours, ni du Resnais qui parfois oui parfois non sauf « L’année dernière » mais bon ici je n’ai rien compris/ressenti au montage, ses ralentis, ses accélérés, ses pauses, ses trucs, ses chichis, ses…
. Jérôme : Oui, mais je pense que…
. Muriel : Attends, pour l’instant c’est moi qui pense et je voulais dire, te dire que je ne me reconnais plus, que je ne me sens plus la même, on n’a pas fait l’amour cette nuit alors que j’en avais envie pressante, cela m’a manqué, est-ce pour cela que je suis si différente ce matin, que je ne vois pas ou plus ce film comme je l’ai vu hier soir, le film n’a pas changé mais moi si en ce moment, qu’en sera-t-il ce soir ou demain, pourrais-je le revoir en me posant les mêmes questions que je ne sais comment m’exprimer pour l’instant, Jérôme, et ne me regarde pas de cette façon, s’il te plaît, je suis assez choquée comme ça et (Jérôme hoquette puis rit nerveusement) j’aimerais qu’on se calme un peu…
. Jérôme se lève péniblement du canapé, s’étire, prend un cigarette qu’il allume et repose avec un geste nerveux dans un cendrier, regarde Muriel qui semble ne pas le voir et dit : A-t-on vu le même film, il me semble que c’est la première fois que cela nous arrive ; ce qui m’a le plus étonné est le jeu des acteurs hormis les cabotinages bien connus de certains, cela me rappelle les films muets où les expressions devaient compenser l’absence de son de voix, de dialogue ; je pense que c’est voulu par ce metteur en scène que nous suivons toujours avec la même plaisir parce qu’il aime faire des expériences, Muriel, mais là est-il allé trop loin ?, quant au cabotinage, j’y reviens, on trouve toujours cabotin un acteur qu’on n’aime pas ou qu’on adule, prenons le cas de Fernandel, Raimu, Pierre Brasseur ou Pierre Arditi, Marguerite Moreno, Edwige Feuillère ou Fanny Ardant
. Muriel s’égosille : Ah non, pas Fanny Ardant, pas elle, please
. Jérôme : Bon, d’accord, pas Ardant mais n’empêche… et ceux qui en font trop et d’autres pas assez, souviens-toi de Saturnin Fabre (trop) et d’Alain Cuny (pas assez) et puis on aime le cabotinage des acteurs qu’on aime et pas celui de ceux qu’on n’apprécie pas, c’est cela ?... euh et les dialogues, hein, les dialogues de Prévert, d’Henri Jeanson, de Michel Audiard ou Woody Allen ?... très écrits ou faussement improvisés et pourquoi suit-on l’œuvre d’un cinéaste plutôt qu’un autre racontant toujours la même histoire mais de façon différente, la touche personnelle, se rencontrer sur la même longueur d’ondes, transmission d’émotions similaires, tout cela c’est le pied, non ?… et les critiques, Muriel, ceux qu’on écoute religieusement, ceux dont on se moque, tiens je pense à Pierre Murat de Télérama dans Le Masque et la plume, à Sophie Avon avec qui nous sommes toujours d’accord…
. Muriel : Presque souvent en ce qui me concerne, presque
. Jérôme : Bon, c’est pas tout ça, chérie, mais si on se faisait une toile ce soir, au Majestic à côté, on joue le dernier Kore-Eda Hirokazu « Notre petite sœur », hein ?, l’ami Gilberto a beaucoup aimé.
. Muriel : Bon alors, là on peut y aller.

FIN

 

11:39 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)