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29/10/2015

UN APPRENTISSAGE

 

-       Ceci est la suite de« Nous avant » et « J’attends quelqu’un »

 

Nous ne voyions plus beaucoup Elvire depuis qu'elle avait décidé de s'occuper de Django considéré comme le fils qu'elle n'a pas eu.

 A la demande du jeune garçon analphabète et inculte, elle avait accepté de tout lui apprendre, de faire son éducation française, quel travail, disait-elle, car il était impatient et boulimique, il voulait tout savoir et tout de suite, elle ne savait comment le calmer, cela lui plaisait mais aussi la fatiguait à cause de l’énergie qu’il fallait développer. Elle se demandait souvent si tout cela n’était pas un coup de folie de leur part à tous les deux, non Elviraaa, disait-il avec son sourire auquel elle ne pouvait et ne voulait résister, elle le nommait « mon petit dévoreur affamé» ou « mon cannibale favori », bon les maths pas trop son truc osait-elle dire, juste savoir compter suffisamment, par contre les sciences et la littérature alors là chapeau, il était devenu incollable sur les grands classiques principalement Racine, il connaissait maintenant « Phèdre » par cœur qu’il déclamait comme un vieil acteur de la Comédie-Française jouant les deux personnages…

Hippolyte :

-       Madame, parrrdonnez. J’avoue en rrrrougissant,

Que j’accusai à tort un discourrrrs innocent.
Ma honte ne peut plus soutenir votre vue,

Et je vais…

Phèdre :

-       Ah ! cruel, tu m’as trop attendue,

Je t’en ai dit assez pour te tirrrrer d’errreurrrr,

Et bien ! connais donc Phèdrrrre et toute sa furrreurrr…

Puis ce fut la découverte des poètes, il devint fou de Rimbaud et de Baudelaire, il fallut lui expliquer Les fleurs du mal qu’il s’obstinait à prononcer mââââle d’où les fous rires et gloussements d’Elvire et de René le perroquet malicieux . Les surréalistes, Desnos, Soupault et le mouvement Dada le faisaient littéralement bondir et s’exclamer ou s’esclaffer, Dali pour la peinture bien qu’il ne soit pas attiré par cet art au grand regret de son initiatrice qui le traînait dans les musées et les expos en galerie sans résultat. Elle se posait des questions continuellement, celle surtout concernant sa pratique du français alors qu’il semblait ne pas connaître la langue de sa communauté, il semblait avoir fait table rase de son passé volontairement ou non ; pourtant une nuit, elle l’entendit pleurer dans sa chambre et quand elle entra il gémissait et cria deux fois  Levna Levna, un prénom féminin trouva-t-elle sur internet. Parfois, elle lui disait Maman ?, Papa ?, il la regardait de ses grands yeux sombres étonnés mais elle ne voulait pas lui poser trop de questions, réveiller une ancienne blessure ? faire resurgir quelques démons ? ce n’était pas dans ses intentions. Elvire refusait les invitations pour éviter qu’on le prenne pour un phénomène de foire, une exhibition, un sujet de moquerie, voire de scandale un petit rom vous vous rendez compte ma chère quand on connaît ces gens-là

Par contre, lorsqu’il découvrit la musique que sa bienfaitrice écoutait  et adorait et lui proposait il restait comme dans l’expectative, dans une sorte d’interrogation devant un univers que manifestement il ignorait ou dans lequel il ne pouvait pas entrer. Puis un jour, à la radio, peu de temps avant d’aller se coucher il entendit de la guitare, éberlué il regarda Elvire et lui dit dans un grand éclat de rire qu’il ne pouvait arrêter voilà c’est MA Musique Elviraaa c’est Ma Musique… c’était Django Reinhardt le guitariste de génie, il riait, il pleurait, il dansait, il hurlait, il bondissait, il semblait vraiment heureux, il s’écroula dans les bras de sa protectrice en disant  Levna Levna ma petite sœurrrr, c’était ma petite sœurrrr…

On ne connaîtra pas la suite car cela relève trop du domaine de l’intime, on sait seulement qu’il est vraiment heureux. Quant à Elvire, ses amis disent qu’elle donne l’impression d’une renaissance, d’un renouveau qu’elle attendait et qui est enfin arrivé .

 

Jacques Chesnel

 

12:26 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Djangologie... cela pouvait le changer de l'ornithologie...

Écrit par : Dominique Hasselmann | 01/11/2015

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