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27/03/2015

LES TRIBULATIONS DÉLIRANTES DE SARAH V. (9)

                             

                                                            9

 

                                                  Sarah meute

 

Nous étions tous assis à Teule et le beau V., j’osais le dire pensa Sarah, avec nous par terre aussi. Ce devait être une belle manif-fête-station. La police démontée veillait au grain mais il ne pleuvait pas, pas encore. Sarah pensa en fait de pluie on prendra plutôt la flotte par les lances d’un sang dis que par les nuages car elle voyait les arroseurs à rosée se pointer dard-dare avec leurs gros zinzins style vers Marthe. Les cops n’avaient pas l’air de vouloir faire ami-ami et mon plus proche voisin un nippon nippé chicos (du moins je suppose à cause de son bandana, du drapeau à point rouge dessus et ses naike fluo) riait jaune ; on va prendre une dégeléeu, me confia-t-il, en souriant et en s’inclinant du plus qu’il pouvait, ahahah, vous françaiseu ?, j’aimeu roquefort ahahah avec baguetteu pain ahahah non ?… Sarah pensa s’il veut fleurtallier on va se comprendre avec les mains ou quoi… et avec tout le tintouin, ça va être duraille et il continue à se marrer ahahah…

Le beau V. empoigna un mégaphone, le nippon ne riait plus, les cops allez allez on dégage dirent-ils en américain et à cheval mais pas en souriant, mais alors là pas du tout… et personne ne bouge de là… on déroule les lances merde pensa Sarah j’ai oublié mon cas ouais et quatre moustachus genre rang beau en quatre fois plus fort  le beau V. qui hurle à Bush cousue qu’on entend rien dans le vacarme ambiant. Un grand gaillard d’avant se lève alors, sort un épi de maïs mahousse transe gène nique de sa poche et vlan sur le pif du premier canasson (canne à son) qui hennit, piaffe et te fout le cavalier en l’air et tout le monde oh hisse oh hisse non aux O G M à bas les flics en français et dans toutes les langues et tout le bordel… avec les  tuyaux qui dégorgent maintenant sur les bacchantes du beau V. et celles des brutes qui l’encadrent le soulevant comme une plume toute dégoulinante… et Sarah que l’eau lui donne envie crie pipi pipi pitié les mecs en se tenant là où ça part pipi pipi pipi assis assis faut pas se dégonfler faut tenir et le nippon « vous pipi culotteu ahahh » ah le con pensa Sarah ça le fait marrer tous pareils et qu’est-ce que je fais moi assis assis oh les mecs vous pouvez toujours pisser sur les pattes des bourrins assis assis qui maintenant chargent de plus belle tandis que les projos des cars à lances  s’allument et un qui me prend dans le colis mateur pensa Sarah qui n’en peux plus assis assis et que maintenant tout le monde fout le camp enfin essaie enfin pasque les sbires arrivent en rangs forts serrés sous la flotte avec leurs capuchon de pères fouettards et matraques en rognes bien encastrées dans chaque…

… et le beau V. tout rouge de colère et transi toujours dans le bigophone les méfaits de la mondialisation que nous combattrons jusqu’à bing une claque sur le museau et il t’est embarqué manu mille et tari tricotant des guibolles dans le vide que des mecs se marrent tu pédales dans la choucroute j’osais l’dire et le nippon (il commence à me gonfler pensa Sarah) ahahah, tous les porteurs de pancartes GTO WTO ohohoh et encore OMC OIC SLURP ORD ATAC STO RIB OHIO GPT INRA RFI MGM ONU SOGEMA FMI IRAK (Interruption Résolue d’Aventures Kafkaiennes) hihihi la flicaille aie aie ai aux dadas huehuehue les badauds (bas du dos) on n’en finissait pas avec ahahah le nippon ponpon collant… « vous vous appeler comment ahaha moi Toshiro » dans le vacarme Sarah entendit trop chie beau et répondit tant mieux pour vous ahaha et lui de s’incliner encore plus bas qu’il glisse sur les œufs et tombe par terre se ramasse les quatre fers en l’air que Sarah pensa maintenant c’est le nippon ponpon volant… relevé il recolle à la meute et recommence moi Toshiro ahaha et paf prend un pet tard en plein sur la tronche, Sarah pensa un fumigène fumi fumi mifu mifu oh putain mais c’est bien sûr j’ai compris c’est le fils de Toshiro Mifune mon acteur fétiche mon héros des Sept Samouraïs le film de Kurosawa ahaha…  vous Mifune cria Sarah comme le Mifune du cinéma vous fils de Mifune et l’autre qui écarquille les yeux à fond ce qui pensa Sarah n’est pas facile pour un nippon… elle a envie de faire une annonce comme celle de Marie et ne trouve à dire que moi Jane merde qu’est-ce que je raconte il va se prendre pour Tarzan le Toshiro euh moi Sarah avoue-t-elle subito… il s’est enfin relevé et se casse de nouveau en deux quand Sarah repense qu’elle a toujours une terrrrrrible envie de faire pipi que…que faire… nom de merde ça y est je vais tout lâcher pensa Sarah… qui se réveille à côté de son mâtin Romain mutin et son sourire à la Mifune… avant de se précipiter en sursaut de lit aux gogues oh il était temps… et au retour d’entendre sa voix ensommeillée lui chuchoter tendrement à l’oreille « alors Sarah ahaha vous pas pipi culotteu ahaha »… Sarah se demanda si elle aimait vraiment les nippons ou alors si c'était le pompom net , oh !

 

                                                          10 

                                                                 Sarah croche… 

À ce stade du récit, Sarah fourbue, moulue, éperdue et perdue décida de mettre un point final à ses, ces (cesser) maudites pensées…

C'est bien le moins qu'on puisse en penser… et surtout, honni soit qui mâle y pense.

 

                                                    FIN DÉFINITIVE

                                                             (ouf !) 

 Jacques Chesnel                                                          

 

 

       

       

 

 

  

09:33 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

19/03/2015

LES TRIBULATIONS DÉLIRANTES DE SARAH V. (8)

 

 

8/ SARAH CHATOUILLE

 

Mon p’tit chat si à moi de six mois que j’aime tant a pour ma personne des attentions particulières,tenez par exemple quand j’ai faim il fait du pain sur mon ventre et cela m’assouvit, il ronronne fort quand j’ai du mal à m’endormir et alors je m’assoupis, si j’ai envie de fumer il va chiner six clopes à six clones de cyclopes dans l’œil du cyclone tout proche, quand des pensées coquines m’assaillent il sait où trouver le bon endroit et même parfois l’envers car il aime le rose des deux côtés, si l’on sonne il miaoute pour m’avertir un cri c’est Jean-Pierre, deux Jean-Louis, trois Jean-Marie, il ne se trompe que pour Eustache qui vient si rarement ou qui me pose des lapins, dans mon auto il me sert de klaxon sur lequel je n’appuie pas, chez le le couturier il dégriffe mes robes et recoud les boutons, dans le métro il me trouve toujours une place assise en faisant les gros yeux, il me fait la lecture mais déteste Chateaubriand (on le comprend) mais admire Colette (pas moi), à la télé il remplace Chabot (chouette pasque la bouille à l’Arlette !!! ) et Dechavanne (beurk, le roi des trouducs), à la météo il ne prévoit jamais de pluie car il n’aime pas, quand il dessine c’est toujours du Siné, au ciné il fait l’acrobate sur les gouttières en première partie dans le chatoiement des sunlights et adore Les félins le film de René Clément ainsi que le minois de Macha Meryl et la voix de Macha Béranger, il chatouille les parlementaires là où ça fait mal et débusque les préd(ict)ateurs envahissant les médias, à l’étranger il cause toutes les langues chatières, en Italie il éclipse Berlusconi le Connard vrai chat-puant (c’est dire !), au Royaume-Uni on le confond avec la Reine qui déteste les chats qui le lui rendent bien, en Russie il joue à la souris avec Poupoutine qui ne sourit jamais, à Hollywood il a détrôné Félix, à Charleroi il est le Roi et à Charleville le Maire, il est pote avec Jimmy Smith et surtout Gato Barbieri et ne loupe jamais un concert de chazz, ses meilleurs copains se nomment Wayne et Herbie les mistigris rouquins de mon vieux pote Michel, il est le meilleur pour le bavardage en anglais (*), il lacère quotidiennement leFigaro qu’il ne supporte pas (j’approuve aussi), il donne de sérieux coups de pattes en aide aux bénévoles du DAL, il apporte son soutien aux travailleurs sans papiers et ne fait pas de blagues racistes sur les chats auvergnats (« un chat si à moi ça va, c’est quand il y en a plusieurs »…) bien que ce soit un matou de banlieue, il n’est pas le chat du chouchou président mais bien le chouchou des présidents chats, il considère Xavier Bertrand comme un gros matou matois nocif avec sa mine de chat fâché, il a une trouille verte quand il voit et entend les aboements de Marine Le Pen, il pouffe quand il regarde les contorsions de Bruno Le Maire et sa face de Lou Ravi de la crèche, il s’étouffe de rire ou pique colère quand il voit et entend Jean-Pierre Raffarin et sa tronche de guignol lyonnais ou les effets de cheveux de l'amère de Paris la délicate NKM, il fulmine de rien sur les portraits gros plants de Paul Bismuth l'agité de sévices, il défile avec les syndicats pour le pouvoir des chats (**) et la retraite à 60 ans pour les greffiers, milite activement au sein de l’UMPC (Union Mirifique pour le Paradigme des Chats ; statuts déposés), il lutte contre la chatonphobie et pour le respect des minourités, la normalisation des vibrisses et autres moustaches, le raidissement rapide et généralisé de la queue, il boycotte les pubs pour la bouffàchat minable, croquettes ou pâtés, la lessive du même nom (imposture), question souris il emballe grave en dansant la chavanaise bien chaloupée ou le cha-cha-cha endiablé (normal) et me raconte ses exploits nocturnes au retour de ses échappées mais me revient toujours comme maintenant car il miaule à la porte avec impatience pour que je lui ouvre, te voilà mon filou alors raconte…

il est tout cela et il fait tout ça mon p’tit chat si à moi de six mois…

 

Jacques Chesnel

 

Note du traducteur : (*) là, Sarah fait fort, on attend les commentaires

(**) un peu facile, mais bon

12:57 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

10/03/2015

LES TRIBULATIONS DÉLIRANTES DE SARAH V. (7)

    

                   7

 

                SARAH CONTE N’IMPORTE QUOI

 

Cela commençait plutôt bien. 

Au coin d’une avenue près d’un havre dans le dessert ça à rien du grand nord, elle rencontra un tout à règle en d’gel de là-bas avec un chèche chic un peu chiche en tissu tissé ; blizzard, non ?. Vit guette, l’apostropha-t-elle maladroitement le prenant pour un germain du rein bien qu’il ne soit pas son cousin rhénan. Je vous laisse deviner lasse huître ce qu’on ne trouve plus hélas dans ce genre de marais-cage. Le gars en resta tout baba et lui fit un doigt d’horreur. Dans l’instant tannant, elle prit une pose qu’a fait sans café qu’on ne trouvait qu’à mille bottes de ces lieux d’issy sans molyneux ce qui lui sembla comme Marcel un peu loin, fallait René flair avec…(*)

Coïncidence dans ce coin si dense en incidence, elle fouilla dans la poche de son corsair si court voir si son panta si long contenait de l’élixir de luxure de luxe car elle était prise de tout le tremblement de sens à sion dix verses tout ça à cause de l’insoutenable légèreté du hêtre principal con posant de la mixture mixée à tort, ouille ou ouïe dit-elle au choix ce qui déclancha toute une embrouille avec bouille douille couille fouille houille non pas louille mais mouille nouille pouilles ou Pouilles rouille souille touille zouille (non) toute la patrouille, ce qui emballa son arbre à came et le con (encore) danse à tort de sa machina intériore faut ralentir ma vieille, bon les salsifis de midi ça suffit les sulfates les sulfites les sulfamides les sépharades les salafistes les salutistes les salamistes et autres salmigondis aussi, saperlipopette…

Tout ça lui tourneboulait le ciboulot et même tourneboulot le ciboulet à la façon d’une bouffée de l’herbàrire quand elle était colombienne pure souche et qu’elle tirait trop sur le mégot quand son magot l’autorisait ; il lui revenait des souvenirs lointains d’enfance, de démolition/démembrement de poupées arrrghhh, de séances de vomissures volontaires spontanées et abondantes, d’élégations clitoridiennes, de bagarres avec ses sœurs cacaproute et son frère en érection constante, de leur haleine de pingouin, d’odeurs d’anciens pipis rances de vieilles tantes enperlousées, de vieux oncles libidineux du nœud et d’ailleurs, de leurs genoux cagneux délabrés, des séances d’escarpolette avec Paulette sa meilleure copine si détestée et Bernadette qui ressemblait à la Lafont tellement qu’elle se demandait si, des déjeuners sur l’herbe nue comme dans le tableau si beau de Manet, les regards enfiévrés des garçons quand elle écartait les cuisses exprès vous en voulez encore plusse connards, sa passion pour la bicyclette qui lui procurait d’agréables frissons dans le bas du dos dans le devant du ventre et entre les deux, son adoration pour les vedettes de cinéma comme Dana Andrews, James Dean, John Garfield, Ben Gazzara, Steve McQueen, Mickey Rourke, ah le seul français bandant Mathieu Amalric et tout ce qui allait avec côté seulette branlette, puis pour les coureurs cyclistes surtout ceux du Tour de France à pédaler dans la semoule comme des cons pour des nèfles sauf les caïds ah les espagnols putain les Bahamontes, Delgado et son maillot yaune, Ocaña, Indurain et son coup de rein, Carlos Sastre…et maintenant le tout nouveau prodige, elle lui sussurait tendrement « t’es un vrai conquistador, Alberto, pas con, j’t’adore », et les rugbymen alors hou les chassés-croisés de Poitrenaud, les éclairs de Clerc, l’émancipation d’Heymans, les déboulés de saint Médard à la Maxime, la mâle assurance du cap’ Dusautoir, la bouille de Bouillou et sa mèche blanche, les sauts de chat de Fritz the cat, les feintes de Byron Kelleher, les charges héroïques de Servat William le Conquérant, le sourire énigmatique et pas toc de Guy Novès… sans parler des boxeurs/tappeurs/frappeurs Marcel serre-dents, Sugar Ray Robinson le virevoltant à la Fred Astair, la tronche pas possible à Carlos Monzon, la force de grosse frappe à Tyson et le golden boy Oscar de la Hoya bordel ce mec…Sarah pensa de nouveau à ses premières amours, le beau Jo Raisse (il prononçait djo) et son copain Jacques Huze (on prononçait djack) elle ne savait lequel choisir alors allons-y pour les deux ensemble cela durait des heures infinies parfois même trois ou quatre on allait pas rechigner sur la marchandise en évoquant tour à tour vedettes de cinéma coureurs cyclistes rugbymen et boxeurs quel boxon, les gars devaient assurer car Sarah était toujours au top avec un appétit d’ogresse oh avec le gars Fritz quel panard ya vraiment que les trois-quarts aile, ah si Monzon parfois bien que, souvent il y avait du monde au balcon gratos pour le feune comme disent nos cousins canadiens, pour le foehn quand il y avait grand vent, fallait éponger avec plein de serpillières car on s’en donnait à cœur-joie dans la lascivité… c’était le bon temps alors que maintenant au cours de cette journée qui commençait si bien il n’y a plus que les souvenirs dans ce dessert ça à rien où il n’y a plus personne, pas même ce tout à règle, pauvre Sarah…

qui tomba brusquement de son lit et dit merde aïeueu je me suis encore pété quelque chose, décidément… 

 Jacques Chesnel

 

Note du traducteur : Sarah fait sans doute allusion au parfums Molyneux, à la station du métro parisien Marcel Sembat (ligne 9) et à l’inoubliable et oublié écrivain René Fallet (1927-1983)

11:23 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

04/03/2015

DÉAMBULATION NOCTURNE

 

Oh, déambuler dans Paris à cette époque, c’était pour moi le même trajet ou presque, en fonction des musiciens qui se produisaient dans les clubs de jazz des rues Saint-André-des-Arts et de la Huchette où on n’avait que l’embarras du choix. Lorsque resurgissent les souvenirs, immanquablement trois lieux désormais mythiques se détachent : le Riverbop, le Caméléon et Le Chat qui pêche ; trois noms les accompagnent : Jacqueline Ferrari, Pascal (on ne connaissait que son prénom) et Madame Ricard (connaissait-on son prénom ?). 

Seul ou avec Michel mon copain d’avant de maintenant de toujours, il y avait parfois de ces nuits on ne savait pas où tourner nos oreilles heureusement avec le bouche-à-oreille et quelques fois le bouche-à-bouche quand on rencontrait des bonnes copines mais attention on ne se laissait pas trop distraire on était renseigné sur les évènements les rencontres imprévues les bœufs en cours ou à venir les surprises de dernière minute surtout quand il y avait des orchestres américains et que les musiciens venaient faire la fête et jouer jusqu’à l’aube en des jam-sessions quelques unes mémorables…

C’est ainsi que pendant une pause, j’ai eu l’occasion de connaître et de parler avec ce merveilleux guitariste belge qu’était René Thomas, ses yeux cachés par ses lunettes aux verres en tessons de bouteilles et moi qui ne suis pas du tout bande dessinée il m’a parlé beaucoup de BD et peu de musique, beaucoup de son fils qu’il voyait peu à cause de ses engagements, ce qu’il regrettait, je suis allé saluer Michel Graillier et Aldo Romano à qui Jacqueline disait allez messieurs on reprend… tandis que j’apercevais, sages, les gamins Jacques Thollot et Simon Goubert qui espéraient qu’on les inviterait à faire le « bœuf »…

 Une autre fois, je suis allé écouter le trio HLP, autrement dit Humair  - Louiss - Ponty au Caméléon plein comme un œuf ce soir-là comme les autres d’ailleurs. En plein milieu du premier set arrive bruyamment un américain blanc avec une femme qui a tout l’air heu d’une pute. Sitôt installé le type continue à brailler malgré les nombreux chut et regards signifiants qu’il faut se taire et écouter d’autant que la musique est quasiment géniale ; qu’importe le type continue de hurler alors que les musiciens jouent de plus en plus fort sans résultat ; alors Daniel Humair fait signe à ses partenaires qui décident de jouer de moins en moins fort si bien qu’on entend de plus plus les braiements du connard et qu’alors ensuite la musique s’arrête dans un parfait silence… sauf le fort en gueule, on n’entend plus que lui qui étonné s’arrête lui aussi… alors Humair compte un deux trois quatre et la musique reprend et le mec déguerpit sans demander son reste… soirée mémorable… comme quelques autres, au Chat qui pêche, George Braith et Alan Shorter, le premier jouant de son « braith-horn » au double son simultané, le deuxième, frère aîné de Wayne, soufflant inépuisablement la même note sur la peau de la caisse claire de la batterie, ou encore le grand (dans tous les sens du terme) Dexter Gordon occupant pendant près de vingt minutes le seul w.c. qui après la sortie du musicien ressemble à une usine dont la cheminée est bouchée et que la fumée stagne à l’intérieur et où flotte une odeur si particulière si vous voyez ce que je veux dire… Je me souviens aussi d’Aldo Romano avec une grosse moustache dans le groupe de Bernard Vitet, de la gentillesse des contrebassistes Beb Guérin et de Jean-François Jenny-Clark (aujourd’hui disparus et auxquels je pense souvent avec toujours la même émotion). 

Une autre fois avec un autre ami dont j’ai perdu la trace nous allons  au Blue Note qui se trouvait rue d’Artois et dont le patron s’appelait Ben Benjamin, pour écouter le Martial Solal trio, avec Guy Pedersen et Daniel Humair. Je me souviens que ce devait être en février, 62 ou 63 (là j’avoue un trou), qu’il faisait un froid de loup et que des radiateurs électriques étaient disposés entre les tables. Vers la fin du premier set, arrive un groupe de femmes parmi lesquelles je vous le donne en mille et même moins que cela : Marlène Dietrich, oui, elle-même, revêtue d’un superbe manteau de fourrure, ces dames s’installent à une table à côté de la nôtre et au bout de quelques minutes Marlène se lève, vient vers le radiateur et le ferme sans dire un mot, sans un regard vers nous… je dis au copain qu’elle aurait pu nous demander notre avis et malgré ses recommandations prudentes je me lève et je remets le radiateur en marche ; ça n’a pas trop tardé la star toujours dans son superbe manteau plein de poils se lève de nouveau et sans un regard vers nous un peu inquiets clac referme le radiateur et retourne à sa table ; ah non, si madame a trop chaud elle n’a qu’a ôter sa houppelande ; je me relève et crac rallume en attendant la suite des événements qui ne tardent point car la belle Marlène se rapproche de nouveau et là armé de mon plus beau sourire bien que mon cœur bâtit bien fort je lui dit sur un ton empreint de la plus extrême gentillesse : « si vous avez trop chaud, Madame, vous n’avez qu’a enlever votre manteau »… ce qu’elle fait immédiatement avec un sourire un peu crispé dont bien sûr je garde un souvenir ému les jambes encore un peu flageolantes à cette évocation tant j’avais craint une gifle humiliante en regard d’un tel crime de lèse-majesté… comme quoi les légendes !.

 

  Jacques Chesnel  (Jazz divagations)

16:04 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)