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15/07/2014

CARAVANES

 

 (à René Urtreger)

 

Apparemment tout le monde est d’accord : c’est le plus grand festival de jazz en Europe ; les revues, les journaux, le public, tout le monde est d’accord… unanimité, pour une fois. Le lieu, sublime ; la période, beaux jours et nuits somptueuses ; le temps, parfait ; l’organisation, irréprochable ; la programmation, top niveau, rien que du très bon, parfois du génial, jamais ou presque jamais du mauvais, le top, je vous dis et depuis toujours.

Il y a quelques chose qui m’avait choqué quand même la première fois que j’y vins il y a longtemps : les caravanes, plutôt des espèces de baraques, de baraquements d’après-guerre pour accueillir les musicos y compris les vedettes et à côté les toilettes du même tonneau j’oserais dire… bon, on n’avait pas lésiné sur les plantes vertes, sur le tapis rouge à l’entrée de chacune pour faire comme à Cannes, sur l’éclairage multicolore, mais bon c’était des caravanes, des baraques pas des loges et ça en faisait office et les musiciens devaient s’en contenter car alors à l’intérieur alors là le confort suprême voire le luxe pour les vedettes. Des fauteuils, un canapé, une table basse garnie de boissons et de fruits frais, des bouteilles et un frigo, dans chaque, la classe quoi.

 Cette année là j’avais eu un badge par un copain du coin qu’avait des accointances avec marqué dessus backstage, j’avais le droit de me trimbaler dans cette sorte de village derrière la grande scène et je vous dirai que j’en profitais un max… le nombre de musiciens de vedettes oulah j’en avais les yeux qui rodaient tout partout et j’en perdais pas une miette je vous ferai dire… un jour que j’avais sympathisé avec un guitariste de renom dont je ne me rappelle plus le nom mais bon, il m’invita à entrer dans la loge réservée à son groupe ; il en défilait du monde avec des rires énormes des tapes dans le dos des embrassades amicales et je fis des connaissances je baragouinais un peu on se comprenait on se marrait tout le temps même quand on comprenait pas…

Le dernier jour il y avait du monde rien que des grosses vedettes dis donc des pointures comme on dit ; avec mon guitariste on est entré dans la plus grande putain quelle ambiance tout le monde parlait en même temps et c’était des souvenirs des histoires hé mec tu te souviens de Ron Jefferson à Antibes vous êtes swing ?, de Grappelli racontant ses aventures avec des matelots à Amsterdam, du tromboniste qu’on a balancé tout habillé dans une piscine attends attends François Guin oui c’est lui tu te souviens et de Cat Anderson faisant le bœuf avec Keith Jarrett et Christian Escoudé avec Bill Evans, non ?, si j’te dis à Cimiez en 78 et Jacques Thollot à Nîmes avant Weather Report hein et Nina Simone chantant au clair de la lulune qu’on l’a sifflée et et et…

Dans un coin un homme en costume noir avec chemisette blanche, un sourire jusqu’aux oreilles, un air d’éternelle jeunesse…quelqu’un s’approche de lui, et toi qui a joué avec Miles et Lester qu’est-ce que tu nous racontes, René ?...

 

©  Jacques Chesnel  (jazz divagations)

10:41 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)