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17/05/2014

MIMILE’S BAR

  

Un homme entra dans le bar ; chez Mimile, un bistro ; il commanda un demi le but à moitié ; ce mec était à moitié plein comme une outre son verre à moitié vide et moi j’étais à moitié vidé et mon Martini aussi j’étais dans un bel état Marion était en cure du moins l’affirmait-elle avec trop d’assurance…

- et vous, demanda le mec, qu’en pensez-vous

- de quoi de qui oh et puis je m’en fous allez

- alors allez vous faire foutre, aboya le mec en machouillant un cigare à cinq balles

Le patron Mimile un brave type abattit ses battoirs sur le zinc qu’était en plastique foudroya le miché du regard de son œil unique et expulsa d’un rictus dégage ringard !

Dans son treillis façon para taché de flashball il faisait très rescapé de la 7ième compagnie en déroute façon juin 40 l’air en pétard il sortit vite fait une pétoire Mimile plongeant sous le comptoir la patronne qu’était pas loin sautant sur le téléphone se gourait de numéro puis ayant trouvé le bon les pompiers dirent on arrive  le treillis ricana et dit avec l’accent amerloque (tiens au fait pourquoi ?) : poisson d’avril (on était en octobre tiens au fait pourquoi ?) Mimile avait décomptoiré rapido et lui balança deux mandales une sur le revolver à eau l’autre sur la tronche du treillis ce qui le secoua tellement que les taches de camouflage se retrouvèrent par terre et à mes pieds stupéfaits

- aïe, dit-il deux fois ce qui fit aïe aïe aîe en battant des bras en moulinet dans le vide et dans le bide de la serveuse qui passait à l’improviste avec une soupe à l’ail et une glace à la fraise écrasée de douleur par l’imprévu coup tandis que la Girl from Ipanéma et Stan Getz se taisaient dans le juke-box elle tomba le pif dans la soupe – aïe, dit-elle qu’elle était allergique à l’ail et aux coups mélangés ensemble le treillis marmonna (ce qui me fit croire qu’il était mormon ou normand ou les deux à la fois possible)  hum… beaucoup alors qu’en réalité il dégommait hum… beau cul car en tombant la serveuse avait ramené la minijupe au menton qu’elle avait beau aussi mais comme elle l’avait écrasé dans la fraise on pouvait pas s’en apercevoir elle ressemblait un peu à Juliette Binoche et lança un c’est moche ce que vous avez fait là en essayant de se dégager pour rabattre la jupette et dissimuler ainsi sa culotte saumon modèle catalogue la redoute référence 352 ; 0334 taille 46 montée sur élastique fendue sur le côté d’une manière coquine et bordée d’un jour échelle fond doublé coton page 275 du catalogue hiver 96 – 97 qui ne se mariait pas trop avec l’écrasement de la fraise qui coulait du menton vers l’arrière-train culotté et pourtant à l’air libre non loin de la mixture à l’ail destinée au marchand de bestiaux qui se payait un plat exotique et gueula à pierre fendre – j’en ai soupé de vos conneries que Mimile excédé lui rétorquait que si il était pas content qu’il aille se faire cuire un œuf alors le marchand commanda une omelette bien baveuse – et à l’ail, suggéra Mimile avec une pointe d’humour tout en lorgnant le postérieur de la serveuse qu’il osait pas coincer derrière le comptoir vu que sa femme l’avait quitté un jour pour moins que ça mais qu’était revenue dard-dard dès qu’elle avait su qu’il avait hérité du pas-de-porte et du magot de l’oncle Max depuis elle aussi avait fait un héritage plus important que celui de Mimile ce qui fait que quand elle était colère elle lui balançait devant la clientèle

 – oublie pas, Mimile c’est moi qu’ai le fric !

entre eux c’était donc le con sans suce ou quelque chose d’approchant des fois quand il en avait gros sur la patate le Mimile passait presto sous le comptoir descendant à la cave s’enfermait à double tour avec une bonbonne de Montrachet peu importe la date et ne ressortait qu’en hurlant l’Internationale lui qu’était membre actif du Parti des Forces Nouvelles pas assez à droite toute on avait remis la Girl from Ipanéma dans le juke-box avec Stan Getz qui…

La porte s’ouvrit brutalement sous la puissance du jet dans le vacarme et le tohu-bohu personne n’avait entendu la sirène des pompiers le treillis cria au feu au feu et se mit à plat ventre imité en cela par la multitude qui ne se le fit pas dire deux fois le pompier principal celui qui dirigeait le jet lâcha brusquement son instrument à la vue du postérieur de la serveuse qu’avait pas eu le temps de rabattre et – Gisou – Gisou – ma Gisou (elle s’appelait Giselle) car il l’avait reconnu aux rondeurs et à la culotte qu’il avait commandé au catalogue voir plus haut et offert à elle pour sa majorité avant de s’engager sur un coup de tête dans la marine pour trois ans parce qu’il ne voulait pas mettre de capote et qu’elle avait peur de se faire machiner puis dans les pompiers par la suite car il aimait bien l’eau et que la capote était pas obligatoire et qu’il avait de la suite dans les idées c’est le moins qu’on puisse dire… pendant ce temps le treillis sans tache avait vainement essayé de repousser l’eau du jet du pompier avec son pétard à eau à lui qui ne réussissait qu’à faire pouet-pouet-pchi-pchiit le jet sur le juke-box avait fait le même bruit et Stan Getz aussi pendant son solo Mimile s’était recomptoiré les autres clients aussi y compris le marchand de bestiaux faisant une vraie marée humaine au raz du plancher qu’était en carrelage la serveuse avait reconnu Alphonse car c’était bien lui et se mit à pleurer doucement entre les gouttes qui aspergaient son rosé minois

– Alphonse, parvint-elle à articuler à se faire entendre malgré le boucan mon Alphonse car c’était bien lui toi enfin depuis le temps ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre glissèrent sur le sol inondé le jet débitant toujours comme un manneken-piss géant et parvinrent à se mettre debout Alphonse puis retombèrent criant  arrêtez arrêtez en se tournant vers la porte et ses collègues zélés et impassibles continuaient d’arroser copieusement le chef intima un ordre autoritaire et le jet mourut en un dérisoire pipi goutte-à-goutte à la satisfaction de la foultitude qui se rajustait et se précipitait vers les toilettes où y avait maintenant la queue tandis que le treillis sans tâche mais les yeux exorbités regardait le couple Gisou-Alphonse ou Alphonse-Gisou au choix se mit à pleurnicher et hoquetant dit

- mon fils Alphonse mon petit hihihi

nous nagions en plein méli-mélo et surtout en plein mélo convenons-en chers amis inconnus quelles retrouvailles pensez donc Alphonse s’était fâché avec popa ou plutôt son popa l’avait renié parce qu’il s’était engagé dans la marine et pas dans les para Alphonse étant vertigineux renié oui viré avec perles et fracas sans désespoir de retour mais bordel de le voir là vaillant sous l’uniforme fit vibrer sa fibre paternelle et de grosses larmes jaillirent et coulèrent sur ses joues alors il chuta sans para lui aussi entourant de ses bras le couple médusé tous les trois pleurant à la qui-mieux-mieux tandis que Mimile dégoulinant dit qu’il y avait assez de flotte comme ça dans son magasin que c’était pas la peine d’en rajouter que tout le monde se mit à rigoler car il en loupait pas une…

… le spectacle de cette trinité larmoyante intriguait les rescapés de l’inondation trempés et maintenant transis Mimile s’apprêtait à dire « on ferme » au besoin manu militari aux quelques traînards quand on entendit la sirène le marchand de bestiaux lucide tonitrua « putain les flics » lui qui avait eu affaire à eux puisqu’il était un peu truand et s’appelait Antoine dit le Tony avec i grec

- qu’est qui viennent foutre ici, déclama Mimile qui ne savait pas que le charcutier d’en face était une grande folle spécialiste du boudin antillais vivant le grand amour avec son commis dit Etiennette comme le susurrait les mauvaises langues un indic qui avait prévenu les cognes par ligne directe tandis qu’Alphonse avait remis la Girl from Ipanéma et que Stan Getz avait repris le même solo encore plus beau que d’habitude…

 

©  Jacques Chesnel 

15:42 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Eddie marquait toujours la même constance (Alphaville n'était pas si éloignée)...

Écrit par : Dominique Hasselmann | 21/05/2014

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