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20/08/2013

UN CHANGEMENT

 

 

Le grand type avait changé, incontestablement, et pourtant il semblait toujours le même, il ME semblait toujours pareil, comme la première fois que je l’avais vu dans ce jardin d’enfant où il retournait souvent, où cette fois il n’y avait pas encore d’enfants, pas de cris, personne. Il marchait d’un pas irrégulier, à l’amble comme certains chevaux, il déambulait seul dans sa bulle sans but précis apparemment, à l’aveugle. Je l’ai suivi un moment avant qu’il se dirige subitement vers un des nombreux arbres de ce lieu et qu’il s’arrête devant un gros chêne dont il prit le tronc à bras le corps dans un geste théâtral, qu’il étreignit soudain comme le corps d’une femme, avec vigueur mais aussi précaution, posant sa tête sur l’écorce dans une attitude de soumission à son contact. Jérôme avait entendu à la radio le jardinier en chef du château de Versailles dire qu’il fallait parler aux plantes et aux arbres et là il était vraiment surpris de voir le grand type le faire devant lui. Il n’osait s’approcher, il voyait de loin ses lèvres remuer, il en était sûr, il parlait à l’arbre ; que pouvait-il, que voulait-il lui dire ?.

 On s’était moqué du Prince de Galles, le Charles Windsor aux grands oreilles quand il avait déclaré à la presse qu’il entretenait des relations particulières avec ses plantes en devisant souvent avec elles, qu’il attendait et entendait leurs réponses ; c’était aussi la théorie du psychologue expérimental allemand Gustav Theodor Fechner et de quelques autres personnes qu’on trouvait, comment dit-on, un peu bizarres, fêlées du ciboulot, non ?

Mais la question que se posait Jérôme de plus en plus curieux était ce changement qu’il ne savait expliquer. Le grand type lui semblait toujours identique à celui qu’il avait connu penché dans ce même jardin, en position oblique et pourtant… J’ai eu l’impression un moment que le chêne répondait aux embrassements du grand type, comme un frémissement/frissonnement dans les feuilles ou était-ce simplement un léger coup de vent, que le tronc s’épanouissait grâce à son enlacement, que se dégageait quelque chose d’indéfinissable dans cet accouplement insolite. Y avait-il un rapport avec le yoga dont il était professeur, un lien ésotérique entre cette pratique issue de la philosophie indienne, cette méditation/médiation entre le corps et l’esprit, ici entre l’humain et le végétal, était-ce cela ce changement que percevait intuitivement Jérôme ou n’était-ce qu’une simple illusion, une vue de l’esprit comme on dit trop rapidement, trop simplement.

Cela dura quelques minutes. Le grand type se détacha comme à regret du tronc, m’aperçut, vint lentement vers moi, me regarda longuement et sans un mot me prit dans ses bras me transmettant ainsi directement une énergie tellurique venant de la grande nuit des temps que l’arbre lui avait insufflé.

C’est au moment où les enfants entrèrent dans ce jardin en criant que soudain Jérôme se mit à pleurer… tandis que le grand type s’éloignait rapidement.


© Jacques Chesnel

 

11:15 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Une rencontre atypique...

Écrit par : Dominique Hasselmann | 23/08/2013

J'avais autrefois un ami arbre aussi avec lequel j'entretenais des relations intimes... J'allais lui parler des heures durant et parfois je tentais de le prendre dans mes bras. C'était un grand arbre, stoïque et patient...
j'ai senti souvent cette énergie dont vous parlez !

Écrit par : helenablue | 26/08/2013

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