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16/05/2010

LE PARI DE JEANNE -4

4/ Jérôme

Un homme criait sur le trottoir la tête dans les mains.

La manif' avait été géniale, beaucoup de monde, peu d'incidents graves, quelques bousculades, beaucoup de cris, le nom du ministre conspué scandé à l'infini, les panneaux explicites sur l'exploitation des migrants, les marchands de sommeil, les centres de rétention et de détention, le gouvernement et sa politique arbitraire et répressive, nombreux contrôles d'identité et interpellations sous les huées lazzis et sifflets, il avait répondu aux supplications de Jeanne reste calme je te connais ne réponds pas aux provocations ne t'emballes pas tu es un impulsif. Jérôme sourit car il savait que sa mère dans sa jeunesse avait souvent débordé pour d'autres causes aussi recevables que celle-là.

Jérôme s'approcha du type, ça va monsieur ça va ? il lui toucha le bras que l'autre baissa, Jérôme le reconnut immédiatement l'amant de sa mère l'homme pour qui elle avait quitté papa et... il eut un geste de recul ; Louis lui fit un comme signe d'apaisement il savait par Jeanne ce que le jeune homme ressentait à son égard peut-être même le comprenait-il. Allaient-ils enfin pouvoir parler ? essayer de se comprendre malgré la situation incompréhensible pour le jeune homme ?. Eric était sorti du troquet et leur demanda gentiment mais fermement  de rentrer ce que refusait Jérôme crispé buté anxieux ; Eric insista bon cinq minutes... qui durèrent deux heures.

- Crois-moi, j'aime ta mère, je n'ai jamais connu quelque chose d'aussi fort avec quelqu'un, jamais, je pourrais te le jurer si tu veux quoique...

- Non, ne jurez pas... mais... avant

- Avant elle oui, je ne vais pas te raconter ma vie, j'ai toujours été attiré par les garçons, j'ai mené une vie dissolue de drague, d'aventures multiples, puis j'ai vécu longtemps avec un homme que j'ai cru aimé quand j'ai rencontré Jeanne par hasard à un bal

- Mais bordel, comment vous croire, je n'y arrive pas, c'est impossible, vous qui

- Je ne l'explique pas, je ne cherche pas à comprendre surtout maintenant que

- Que quoi ?

- On s'est engueulés, j'ai... elle est partie

- Partie ? partie, où mais où ?

Vincent Lindon arrivait avec des verres et mit la main sur l'épaule de Jérôme qui déjà n'écoutait plus les paroles de Louis, il avait décroché, maintenant plus rien ne comptait que Jeanne, il se revoyait au mariage de ses parents quand il avait sept ans, Maman tellement belle dans sa robe si compliquée dans la simplicité l'air conquistador moustachu de Papa l'excitation de sa sœur des cousines et de ses copines, les questions qu'il posait et pourquoi comment qu'est-ce que et le curé qui le regardait d'un œil affamé les jets de grains de riz et pétales de fleurs les flashes des photos les reporters de la télé régionale pour le héros du jour célèbre créateur de mobilier contemporain réputé la fierté arrogante de la belle-famille la réserve affichée pour ne pas dire la triste tronche des grands-parents hostiles ça ne marchera jamais on en reparle dans deux ans les applaudissements et vivats de la foule le repas somptueux surtout le gros gâteau dégoulinant à cause de la chaleur la partie de cache-cache dans le parc les cousines qui cherchent à l'embrasser et à l'entraîner sous la table pour faire quoi et Maman Maman toujours elle ça va mon grand et Papa ne t'énerve pas trop tu vas encore avoir de l'urticaire et... ...comme un éblouissement crois-moi Jérôme j'ai été le premier surpris de ce qu'il faut bien appeler un coup de foudre il entendait Louis pérorer il s'en foutait de ses pleurnicheries ce qu'il voulait savoir où est Maman bon dieu de merde dites-moi ce que lui avez-vous fait pour qu'elle parte de cette façon si inhabituelle chez elle qui ne s'emballe jamais sauf... on a eu des mots au sujet de ma prise de position au sujet de la scientologie une secte Louis disait-elle c'est une secte tu ne vas pas tomber dans ce piège pas toi comme l'autre Tom Machin-Ducon pas toi quand même ressaissis-toi elle était déchaînée elle hurlait et moi aussi plus fort et maintenant la scientologie une nouvelle lubie après les francs-maçons et puis quoi encore Louis mais c'est pas vrai et au comble de la colère elle lâcha en plus ils n'acceptent pas les pédés dans un geste que je ne m'explique pas j'ai levé le bras comme pour... quoi la frapper vous avez voulu la frapper frapper Jeanne ma mère on est en plein méli plus que mélo ce n'est pas crédible qui peut avaler une connerie pareille hein ? pire qu'une mauvaise série télé soap opera débile sur une chaîne commerciale de merde scénario minable d'un film de série XYZ d'un roman de gare série rose du sous-Delly du pseudo-Paul Bourget tous deux désuets et risibles le tout torpillé par une critique littéraire unanime pensait Jérôme à la pâleur inquiétante qui se mit si rapidement debout comme pour...une fois de plus Vincent Lindon intervint allons allons... il posa sa main rassurante sur les épaules du jeune homme allons.


...(à suivre)...



10:52 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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