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26/01/2009

VOYAGE(S)

On dit qu’il faut savoir poser ses valises j’ai longtemps essayé jamais pu y arriver et voilà qu’avec l’âge je m’affole même pour une petite course. C’est pas la peine d’être allé partout ou presque sur la planète et avoir les jambes qui flageolent en prévoyance d’aller chercher le pain à côté on dirait que c’est comme pour une expédition et ça ne s ‘arrange pas avec l’amour de ma vie qui me tanne avec le cache-nez ou le parapluie hé oh je ne vais pas en Sibérie et la mousson est passée. A chaque fois que je prends l’ascenseur je me dis que cette fois la panne en plein milieu je ne vais pas y échapper  ah la porte s’ouvre je me suis encore trompé je suis au deuxième sous-sol avec la fumée d’un vieux diesel dans les narines, sacrées bagnoles. Bon ça continue le boulanger est fermé pour cause de mariage le prochain est où commence une sorte de trouille suivie d’un bref spasme intestinal quelle expédition pour une baguette un vélo qui roule sur le trottoir ohé vous ça va pas ta gueule vieux con je me retourne c’est pour moi je n’ai pas pris mon portable elle doit être encore chez la voisine du septième ciel et son chihuahua teigneux on m’appelle houhou la voilà à la fenêtre me faisant des grands signes fais-bien-at-ten-tion oui oui ça va je me débrouille un léger vertige frissons il fait de plus en plus chaud cela devient étouffant j’ai comme l’impression que et un nouveau paysage nous sommes en route pour Tabato petit village de Guinée-Bissau dans une vieille 404 avec notre chauffeur Ali qui cherche désespérément à éviter les fondrières de la route depuis Bissau en passant par Bafata un  jour de grand marché on avait remarqué un cochon braillard sur la galerie d’un vieux bus plein à craquer ce qu’on avait ri et les jeunes qui m’appelaient papa et l’amour de ma vie de plus en plus belle sous ce soleil de plomb nous allions retrouver les musiciens français de jazz qui avaient joué la veille une rencontre avait été organisée avec les hommes du village qui construisent dit-on les meilleurs balafons de tout l’ouest de l’Afrique il est six heures le village est désert aucun bruit hormis pépiements d’oiseaux et bêlement de chèvre quelques minutes un léger coup de klaxon un vieil homme apparaît dans une longue robe violette la tête coiffée d’une calotte le chef de village discussion des artistes français venus rencontrer des artistes guinéens il avait été prévenu mais ne se rappelait pas du jour exact il frappe dans ses mains et tout le monde sort des cases hommes femmes enfants explications fin exceptionnelle du ramadan allez mettre vos habits de fête et sortez les instruments pour honorer nos visiteurs

 

 

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je halète un peu je suis trempé de sueur j’ai dû me tromper de chemin pour cette foutue boulangerie quel con suis-je il faudrait les hommes apportent deux balafons et des instruments de percussion les femmes arrivent une à une avec les robes multicolores les enfants nous entourent sourient et font des grimaces aux appareils photo et au caméscope l’amour de ma vie n’en croit pas ses yeux moi non plus un concert improvisé commence les femmes chantent et se mettent à danser à tournoyer  un adolescent noir casquette et jean troué me demande ça va monsieur dites ça va oui mais où est la rue à tournoyer et nous battons des mains et tapons des pieds la tête d’un enfant surgit entre les balafons les rythmes changent l’amour de ma vie me regarde de son si beau sourire les femmes me regardent elle regarde les hommes les petits qui se trémoussent aussi le temps est comme suspendu dans le soleil déclinant entre les arbres et les cases nous sommes heureux dans cet autre monde nouveau pour nous on les remercie on s’étreint un tout petit gamin vient vers l’amour de ma vie et lui tend les bras elle a des larmes de bonheur plein les yeux je crois que je suis dans la bonne rue maintenant tout près de cette foutue boulangerie dans l’auto nous rions en nous tenant par la main comme depuis toujours  Ali pouvez-vous arrêter nous voulons boire tenez Ali merci je ne bois pas c’est le ramadan il faut que j’attende encore oh Ali excusez-nous ya pas de mal et j’aperçois l’enseigne baguépi rétrodor machin là tout près bonsoir je voudrais une baguette tradition bien cuite désolé monsieur il ne nous reste plus de pain  avec ces vacances et notre collègue qui est fermé pour le soir à l’hôtel dans notre chambre climatisée qui ronronne nous regardons le film de cette journée et alors l’ascenseur la voisine du septième son chihuahua la rue la boulangerie le pain et le reste qu’est-ce qu’on s’en fout mais alors là totalement.

 

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©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie)