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10/06/2008

PÊCHEUR

Quand les nouveaux arrivants débarquèrent à Belavit je ne sais plus qui a dit ces deux là font la paire ni qui répliqua à part ça ils ont l’air vraiment tartignolle… la suite montrera qu’il ne faut jamais se fier à la première mauvaise impression… ce qui intrigua d’abord ce sont des longs tuyaux sur la galerie de sa voiture un break… les tuyaux étaient des cannes à pêche quatre ou cinq ou plus alors que la rivière la plus proche est à une dizaine de kilomètres faut vraiment avoir envie proclama un autre pas taquineur du goujon du tout à ce qu’il paraît enfin bon… le pêcheur avait quand même (pourquoi quand même ?) belle allure dans son accoutrement, sa compagne aussi d’ailleurs mais son accoutrement nettement plus affriolant quoique pour la campagne enfin bon…

 on alla tous voir le déballage de la galerie ouah impressionnant tout ça pour un gardon ricana l’un vite foudroyé du regard gardon toi même… alors là à table je vous dis pas et je ne dirais rien sur l’étalage de ses connaissances sur la poiscaille de rivière et de mer il me faudrait des heures et des pages que ce serait fastueusement fastidieux mais je l’avoue très intéressant mais bon… ils étaient en civil comme nous on pouvait pas se douter très conviviaux plein d’humour euh vous chère madame la pêche aussi non non et vous faites quoi dans la vie mon mari est gestionnaire en informatique et moi je m’occupe d’une O.N.G. ah bon… greenpeace ? médecins sans frontière ? ni putes ni soumises ? handicap international ? non non défense des animaux contre les vivisections et expérimentations animales bien dit l’un nous voilà rassurés hihihi… ça a commencé vers 1 heure du matin d’abord des soupirs grognements halètements oui oui oui non pas ça non oh oui ça oui aaaaaaah et cris divers on était tous avertis bien que les cloisons entre les chambres soient insonorisées… dans la matinée l’un d’entre nous affirma avoir vu des menottes sur les montants supérieur du lit en cuivre de leur chambre dont la porte était restée ouverte ahah sado maso et tout le tintouin  bigre alors…le pêcheur était parti de bon matin sa compagne téléphonait sur son portable dans le jardin toute fraîche et pimpante un vrai teint de pêche semblait-il  le genre Bernadette Lafont dans Une belle fille comme moi de François Truffaut enfin bon…

…vers dix-sept heures Francis notre pêcheur revint avec une musette apparemment pleine et l’air réjoui qui allait avec alors maître tenez regardez truites tanches et carpes au menu les amis et Bernadette qui lui saute au cou… au repas qui s’ensuivit bien arrosé d’un p’tit blanc sec comme Adèle notre Francis fut intarissable et on se demandait bien avec le regard quelle serait la suite cette nuit… on attendait le raout et on ne fut pas déçu… à peine minuit et boum c’était reparti inutile de vous faire un dessin ou alors très compliqué comme les poupées et dessins d’Hans Bellmer avec en plus paroles, cris, musique lascive et vicelarde si vous voyez ce que je veux dire enfin bon…

le lendemain Francis et Bernadette qui s’appelait Nicole arrivèrent au petit déjeuner à l’heure habituelle vers onze heures la mine défaite les yeux en compote jusqu’au menton traînant la jambe et le reste à l’avenant… ils ne furent guère causants car ils n’avaient plus de voix ni de… devant nos regards mi-amusés mi-curieux mi-interrogatifs et mi-encore plus ce fut Nicole qui se décida à avouer : Francis que ce soit à la pêche ou au lit il a toujours la gaule et c’est pas près de s’arrêter vous savez il change tout le temps d’hameçon pour varier les plaisirs !...
tu parles…on lui avait pourtant rien demandé enfin bon…  

©  Jacques Chesnel  (Jours heureux à Belavit)

03/06/2008

EXPLICATION

- mazette, m’exclamai-je

- qu’est-ce qu’elle a ta zézette ? me demanda Martin

- j’ai pas dit zézette, j’ai dit mazette

- c’est quoi ta zette alors

- Martin, je ne parle pas d’une zette, je dis mazette qui est une interjection qui marque l’étonnement ou l’admiration

- on peut dire sa zette alors

- non c’est invariable mazette un point c’est tout

- pourquoi un point sur ta zette

- arrête Martin tu m’agaces

- c’est quoi ta gace alors

bon c’était mal barré avec Martin quatre ans sa bouille de poulbot et sa gapette de rappeur et ce disque de Jarrett qui me bouleverse tant cette façon de réinventer les ballades tiens Never Let Me Go putain et I Love In Vain il va me lâcher ce gamin

- tudieu, me rexclamai-je

- pourquoi tu veux tuer quelqu’un, Grandpa

- mais personne

- pourquoi tu veux tuer le monsieur Dieu

- c’est une vieille expression

- pourquoi c’est pas une interjection alors

faut pas que je me crispe vivement que sa mère rentre bordel elle est encore en retard

- Martin mon p’tit chou j’ai dit mazette et tudieu parce j’aime beaucoup le musicien qu’on écoute que je le trouve formidable voilà écoute bien et que je m’exprime enfin euh voilà

- comment qu’y s’appelle le monsieur que tu veux tuer alors

- mais je ne veux tuer personne d’abord le monsieur est un pianiste un grand pianiste et il s’appelle Jarrett Keith Jarrett

- pourquoi s’il est quitte tu dis que tu l’arrêtes alors qu’y joue encore

- MARTIN on écoute tu me lâches enfin merde on frappe voilà voilà j’arrête le disque

- pourquoi tu veux frapper le monsieur que tu arrêtes

- ah te voilà enfin c’est pas trop tôt

- excuse alors il a été sage mon ange

- Grandpa y dit que des gros mots et y veux tuer un monsieur lalalère

- qu’est-ce que c’est que cette histoire faut toujours que tu lui racontes n’importe quoi je vais hésiter à te le confier Papa tu n’es pas raisonnable à ton âge et le disque s’arrête et Martin me regarde je veux bien revenir Grandpa mais tu mettras plus de musique j’veux des dessins animés à la télé ou Chantal Goya en dévédé comme chez Maman alors

- mazette !

©  Jacques Chesnel