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09/02/2015

LES TRIBULATIONS DÉLIRANTES DE SARAH V. (4)

  

4

 

Sarah dîne

 

 Elle avait un frère car son père s’était remarié avec une couturière antillaise après la guerre et c’était donc un demi-frère bien que vu sa corpulence elle le considérait comme un double-frère (elle pensa à la seconde épousée et se dit je préfère le métissage à ses tissages) ; le frangin mesurait un mètre quatre-vingt-huit et pesait cent dix-huit kilos : un colis encombrant en quelque sorte. Il y avait entre eux deux une complicité autour de la bouffe car bien que Sarah soit maigre elle pesait presque la moitié et aimait les petits plats dans les gros. Le p’tit s’appelait  Brouillard Amédée par sa mère car elle l’avait mis au monde en écoutant la Flûte enchantée de son mari qui lui avait offert le disque, une compilation vinyle par les concerts à Pasdeloup. Ils se retrouvaient régulièrement pour des agapes dépendantes de leurs finances. Amédée était mannequin grosse taille et ne devait absolument pas perdre de poids sous peine de perdre son emploi. Tous les derniers jeudis du mois allez hop au resto jamais au MacDo, souvent à l’Hippotalamus ça m'amuse, quelques fois plutôt rares chez les toqués et toilés des guides où c’était bombance pour la baffre et les prix…

 Amédée, né prématuré, avait depuis l’âge de six ans des problèmes d’électroélocution : il doublait les dernières syllabes ou parfois dans la confusion les derniers mots d’une phrase.

 -       salut Amédée, comment va ?

 -       heu, ça vava

 -       et le boulot ?

 -       heu, on est débordédé

 -       oh 

 -       oui, ya plein de défilélés

 -       oh !

 -       ben oui, ya plein de gens de plus en plus grogros

 -       oh !, dis… ben ça alors !…où qu’on va-t-y aujourd’hui ?

 -       je suis fauché, on va au quiquick

 -       alors, pas question de gastronomie

 -       non, ce sera stekfrifrites

 -       pour toutl’monde… mais avec l’apéro quand même, hein ?        

(Sarah pensa je préfère un amer Picon à ta mère p’tit con mais j’t’aime bien quand même Brouillard).                                                                                                                                                                                        

Des fois on se régalait d’abord, puis on rigolait, se gondolait, à se tenir la panse farcie à deux mains, j’en peux pluplus, ah qu’c’est bonbon, où vont-ils chercher tout çaça…

Une autre fois (anecdote racontée par Amédée), on décide d’aller manger landaidais (Sarah pensa je préfère un fin landais à un gros finnois) enfin presque, à côté, Au Trou Gasconcon, là où ya pas de maître d’hôtel en queue de piepie et de serveuses à la jupe ras-le-bonbonbon, surtout pour les chipironrons sautés façon pibalbale… ou encore dans un troquet de la rue de Bucici pour la marérée du jour…

et c’est là que le p’tit frère, les paluches dans des huîtres récalcitrantes (Sarah pensa trente six raies calent, faudrait savoir) et des palourdes pas trop lourdes d’ailleurs, entend un voisin de table s’écrier :

-       ah !, mais débrouillard !

-       onze connaînaît ?

-       Pardon

-       onze connaît ? vous m’appelez, alorlors

-       heu, je ne comprends pas

-       ben si, je m’appelle Amédée Brouillarllard

-       je ne vous connais pas

-       alors pourquoi vous prononcez mon nomnom ?

 -  quoi ? j’ai simplement remarqué que vous vous débrouillez bien pour ouvrir les coquillages alors j’ai dit ah ! mais débrouillard, c’est tout…

-       ah ! alors vous l’avez didit, gueula A. D. qui commençait à s’agiter. 

Sarah, à ce stade olympien voulut intervenir d’autant que le gus semblait s’énerver lui aussi. Elle pensa il a l’air d’un dur et je préfère la farce à la force.

-       du calme, du calme

-       mais vous aussi je vous connais, vous êtes caissière chez Félix Potin, dit le quidam qu’était un monsieur

-       Félix Potintin, brama Amédée puis, mais c’est Sararah 

Sarah pensa Potin c’est mieux que popotin et de toute façon je préfère un petit derrière à un gros devant.

Le type se leva et dit :

 -       Chère Madame, permettez-moi de me présenter : Théodore Debout mais on m’appelle Théo ou dors debout au choix.D. ricana :

-       Deboubout, ah aha ahahah                                                                                                

Sarah dit restez assis et vous faites erreur, j’suis pas caissière ou bien c’est un sosie comme y en a à Strasbourg ; elle pensa moi je préfère les sosies du Franck fort.

L’autre reste interdéloqué et se rassoit pantois, pantin pansu.

-       bon, dit Sarah, on va pas tourner autour du popotin, quèque vous voulez à embêter comme ça mon p’tit frère, hein ?, et pis arrêtez de me zyeuter, on dirait que vous me draguez, vieux dégoûtant…

Debout prit son air offensé et une décision qui allait être un tournant : permettez-moi de vous offrir le champagne et du meilleur.

-       oh oh doucement, reprit Sarah, on n’est pas à vendre

-       mais je ne veux pas vous acheter chère Madame, juste m’excuser… garçon

-       je vous préviens j’vais l’dire à mon jules qu’est pas un tendre, tiens, c’est express, le v’là déjà, hé Brute hé, on est là hou hou, il vient me chercher

-       ohé Brubrute 

Le patron arriva aussi, fit rrr comme d’Artagnan, avec les veuves cliquot dans les mains qu’il présenta, en chanté, à l’assistance :

-       du roteux pour tout l’monde, c’est monsieur Théo qui régale        

Debout, assis, souriait aux anges et à l’assemblée qui se précipita sur les veuves avec voracité.

Brute, lui, avait l’air décontenancé… (Sarah pensa des cons tenancés, ça ne veut rien dire)… des cris crépitèrent (elle pensa mais ne trouva rien) des bravos éclatèrent (pareil), le restau bruita et bruissa d’olés et de tollés (peu) de ceux qui buvaient et bavaient dans la liesse ou de ceux qui protestaient, choqués, de ce qu’ils voyaient, de ce qu’ils considéraient comme une orgie semblable à celle du film dans lequel Piteur Selleherse fout un bordel monstre (Sarah pensa la party ou la partouze ?).

On se bombardait claudallègrement de morceaux de volaille de chalosse ou de petits pâtés chauds de cèpes ou de simples bouts de pain, Brute maintenant riait bêtemenment, Brouillard ricanainait bruyamment, Sarah tétanisaisait, une jeune meuf dansait le french-cancan en mini-jupe montée sur une table et un olibrius dégarni du ciboulot (Sarah pensa je préfère un fier chevelu à un chauve crâneur) bramait vive la fin du monde dans le sucre et la constipation…                                                                                               

De son côté p’tit frère lutinait la cancanière qui frétillait du croupion en plus (et peluche pensa S.) de ses gambettes ; il essayait vainement de lui retirer son soutien-gorge, mais j’en ai pas j’te dis, alors il s’escrimait à enlever le t-shirt, allez hop en l’air le p’tit short (Sarah pensa ya encore du boulot dans le linge, frérot)… le monde affluait de partout, on s’était passé le mot et d’à moitié vide le rade devint vite à moitié plein, juste retour des choses… la bamboulala virait ouragangan et le patron pensant (lui) aussi y mettre un therme cria au feu et ce fut vraiment la panique et la ruée vers dehors…

Profitant de la situation, Amédée, dans un coin encore isolé près de la sortie de secours, avait entrepris la donzelle complètement partie et forniquait debout devant un Debout médusé accompagnant les assauts du frangin et les cris de la mini-jupe de ses yeux exorbités et incrédules. Sarah elle aussi avait vu la scène mais lucide comme beau songe décida de prendre la poudre d’escampette oups et pensa on va encore dire que je suis pingre (ah !, Sarah radine) c’est toujours ça d’pris et d’écho no misé, on va pas se gêner par l’étang qui court…

A.D., haletant (S. pensa j’ai toujours préféré les allaitements de maman aux halètements de papa) accourait aussi remontant sa braguéguette suivi d’Elsa (elle s’appelait Elsa la dernière des filles Versaire ses sœurs étant Rose Laure Annie), la mini-jupe rajustant ce qui lui restait de culolotte hé Sarah attends-nous et l’addition t’as payé heinhein ?…

Sarah cherchait la sortie et son Brute qui semblait avoir filé à l’anglaise avec l’addition et la diction…

Le patron courait dans tous les sens sauf l’unique, la note du 12, la note du 13, la note du 16, hep, alpagant Brute en alpaga qui avait rejoint Sarah en caca strophe, le 16 c’est vous non j’ai déjà payé et la sirène des pompiers qu’on entendait plus rien que la note du…

Nos quatre héros se disséminèrent dans la foule des bas-dos et  des haut-dos (Sarah pensa et des pas de dos du tout) puis se retrouvèrent comme un seul homme au métro Odéon pour la rame qui les emmena vers de nouvelles encore aventures…Sarah mit fin à l’épisode en pensant qu’elle préférait les nouvelles aventures aux vieilles devantures…  

 

                                                                                                  (à suivre)