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12/05/2014

PALINODIES

 

 Il s'était toujours posé beaucoup de questions, toujours et toujours les mêmes, dès qu'il avait commencé à parler et ses parents trouvaient qu'il avait le don de poser celles auxquelles ils n'avaient pas envie de répondre, pas du tout, sur eux, la nourriture, l'école, les filles, le sexe, Dieu, la guerre, la musique, surtout la musique quand il avait commencé à chanter et ses parents à déchanter parce que ça commence à bien faire et qu'on n'a pas les réponses à tout voilà Jérôme c'est comme ça. Il avait donc entrepris de répondre tout seul aux questions qu 'il posait à lui-même, en trouvant rapidement la réponse à quelques questions épineuses, Dieu par exemple ou les filles, rapidement expédiées, surtout les filles et les problèmes qui vont avec du genre tu veux ou tu veux pas. Par contre, goûts, penchants, appétences et autres entichements furent rapidement exprimés.

Mais depuis quelque temps, les choses sont en train de changer, imperceptiblement ou brutalement avec plein d'indices révélateurs. On passe rapidement sur les goûts culinaires depuis la tendre (pas si tendre) enfance, les oignons et surtout les poireaux, putain les poireaux foutus légumes favoris des deux grands-mères, puis, ado, l'attrait pour les filles brunes et popotelées, le peu d'entrain-train pour les sports à part le basket pour la main au panier, on passe on passe, la rigolade pendant les retransmissions d'opéra à la télé en noir et blanc (le Trouvère, lalala le trou vert hihihi mort de rire avec mon pote Alain), les fringues à la zazou, à la hippie, à la con (surtout), le cinéma et les films ringards (le plus ringards possible, la meilleur occase pour s'occuper des nénettes puis des nanas), la lecture des romans policiers bas de gamme, on passe on passe, et une découverte en forme de clarinette et de saxo soprano : Sidney Bechet, ce qui allait complètement bouleverser la vie de Jérôme avant qu'il fasse connaissance de la fille des voisins Branlon-Lagarde, la voluptueuse tueuse, la fameuse Muriel. Tout pouvait basculer très vite sans prévenir, changer du tout au tout, renier ce qu'on a aimé la veille, rire pour rien, pleurer pareil, dauber sans cesse, dénigrer, rabrouer, faire son mariolle ou détruire sa réputation si on en avait une qu'elle soit bonne ou mauvaise peu importait dans la posture ou l'imposture au choix, envoyer balader tout en ballade sans ou avec emballement, attirer le chaland dans l'indolence, bazarder les bizarreries, enfin… quand apparut Muriel tout a basculé, au début avec de l'intérêt pour la nouveauté, puis le désarroi devant le répondant, son assurance altière voire hautaine impressionnante, l'attente haletante devant son air altier, affecté, apprêté, âpre mais nom de dieu d'bordel de merde tellement craquant, tellement tellement que Jérôme était prêt à tout, à confier son âme au diable auquel il ne croyait pas pour l 'instant pas plus qu'à dieu sans majuscule quitte à y croire de nouveau aussitôt dans la seconde qui suit s'il le fallait, il allait tout lâcher, la famille, les copains, le boulot, la firme, le fric, la dope, la bière, les bagnoles, les voyages, oui TOUT en majuscule quand elle lui dit entre deux effets de ses cheveux d'or et quelques battements de cils d'un noir profond supplémentaires :

- Jérôme, et si avant d'aller au cinéma comme prévu, on allait d'abord directement au lit, non ?… et le cinoche après ?.

Interloqué, il ne put que répondre par : heu, ben, oui, pourquoi pas.

Au pieu, contrairement à son habitude, il fut plutôt piteux avec un résultat calamiteux… ce qui n'empêcha pas leur histoire d'amououour de débuter… et de durer jusqu'à ce jour... soit de la catastrophe au triomphe, du désastre à la victoire et puis l'apothéose...

Comme quoi.

Quoi ?

 

© Jacques Chesnel

11:32 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)